Partie de Poker clandestin

Fin d'un tripot clandestin


ENQUETE. Le gérant d'un bar à Rouen avait transformé son
établissement de nuit en casino dédié aux joueurs de poker.
Selon les déclarations qu'il a faites à la police lors de sa garde à vue, son commerce allait mal. Financièrement, s'entend. Tellement mal qu'il a dû, en janvier, augmenter la fréquence des soirées poker clandestines qu'il organisait dans son bar de nuit depuis près d'un an déjà, à Rouen.
Avec des caves (mises de départ) à 30 € par personne, une commission pour lui et sa femme de 5 € sur chacune d'entre elles, des tables pouvant accueillir jusqu'à trente joueurs et des consommations au prix habituel, selon les enquêteurs, le tripot était une bien meilleure affaire qu'un simple bistrot…
Comment les policiers de la Sûreté ont-ils démantelé cette « maison de jeu » bien sûr interdite ? Le hasard. C'est lors d'une ronde de la Brigade anticriminalité en début de semaine dernière, vers 3 h du matin, que l'établissement fait l'objet d'un contrôle administratif avec, au départ, la seule suspicion de fermeture tardive.

Une brigade spéciale
Sauf que l'officier de police judiciaire venu constater cette infraction ne se contente pas d'un PV. Dans le bar, les enquêteurs se retrouvent en présence de seize personnes, des cartes à la main et des jetons sur le tapis. Le gérant est interpellé. Et les investigations sont confiées à une brigade toute spéciale créée en janvier dernier : le « groupe des débits de boisson », chargé de simplifier les démarches judicio-administratives et de constater toutes les infractions pouvant être liées à ces établissements (non-respect des horaires de fermeture, alcool servi aux mineurs, usage de stupéfiants, chasse aux jeux clandestins…). Les quatre policiers qui constituent cette équipe établissent que du dimanche au mercredi inclus, le bar sortait ses tables de poker, alors que ces jours-là, l'établissement est normalement fermé.
Le gérant a été remis en liberté en attendant les résultats de l'enquête qui se poursuit. Lui et son épouse encourent la fermeture administrative du bar, mais aussi une peine de trois ans de prison ferme et une amende de 75 000 €.

Poker : parties interdites

TRIPOT CLANDESTIN.Pendant deux mois, il a fréquenté un bar de Rouen qui organisait des tournois. Témoignage.

Comme beaucoup de jeunes Rouennais, Pascal* a succombé à la mode du poker. De parties entre amis à des tournois officiels dans des casinos de la région, il n'y a qu'un pas qui mène vers... une table interdite. « Le monde du poker est un petit milieu. C'est un copain qui m'a introduit dans ce bar.» Pendant deux mois, l'été dernier, Pascal a fréquenté cet établissement qui fait l'objet depuis quelques jours d'une enquête policière (Paris-Normandie du mercredi 11 février). « Au départ, on se retrouvait le mercredi soir pour des tournois. On était entre 20 et 30 joueurs. Le ticket d'entrée était de 20 €, le patron prenait 5 € de commission. » Sans parler de la chance du «débutant» qu'il n'est plus depuis plusieurs mois, Pascal gagne. Dès sa première soirée. Et revient. Il passe ses nuits à la table. « Après le tournoi, on pouvait jouer en cash-game, et là les sommes étaient plus importantes. Le patron appliquait les mêmes règles qu'au casino, il prélevait 4%. Comme ça marchait bien, des parties étaient organisées le dimanche et le lundi soir, uniquement en cash-game. Pour aller au casino, il faut avoir une voiture, et ça coûte cher. » La réputation de l'établissement dépasse les frontières de Rouen et de l'Agglo. « Pendant ces deux mois où j'ai beaucoup joué, j'ai croisé de gros joueurs qui venaient de partout, même de Paris.» L'appât du gain : « les bons soirs, on pouvait gagner jusqu'à 500 €», raconte Pascal qui a vu la clientèle changer au cours de l'été. « Les gros joueurs sont partis. L'ambiance n'était plus la même. Et de toute façon, ça devenait trop chaud pour moi sur le plan financier», poursuit-il. Rappelé à l'ordre par son banquier, Pascal ne joue plus aujourd'hui. Sa meilleure décision.